L'interview de Yannis Pelé

Trois ans après le terrible accident de DH (2016) qui a failli le clouer pour la vie dans un fauteuil, Yannis Pelé soude à nouveau sur son vélo, et il en savoure certainement plus que quiconque chaque once de plaisir ! 1001sentiers lui a rendu visite ce printemps sur sa piste maison, pour un ride émouvant et une interview vibrante et passionnante au travers de laquelle il nous raconte ce qui lui est arrivé, sa rééducation, sa nouvelle vision du VTT, son récent trip au Chili, ses projets et ses rêves !

CV NÉ EN 1998 HABITE À SAINT-DALMAS-LE-SELVAGE

Salut Yannis, comment ça va ?

Au top !! Je me régale de plus en plus sur le bike, les progrès au niveau des jambes continuent et je suis en ce moment au Canada, c'est juste la folie !! Et toi ?

Au top aussi, merci. Raconte-nous donc ton dernier ride marquant avant de partir pour le Canada.

Dès lors que j'ai mon guidon entre les mains, je suis aux anges ; mais je dirais la dernière journée navette sur « la draille » c’était quelque chose ! (« La draille » c'est notre petite piste de la maison shapée par nos soins.) Une belle bande d'intelligents au départ et tu sais que tu passeras une bonne journée ahahah, puis quel plaisir de rouler avec tous les copains ! Quelques gouttes dans la nuit avaient rendu la terre juste bijou, et tu peux confirmer comme la terre est bonne par ici ! Ça ridé à bloc dans les mélèzes. Entre cassage d'appuis, saut en longueur, tirage de bourre et quelques défis à la con, je pense que tu pouvais entendre nos cris et nos rires depuis le village. Le live de la Coupe du monde de Léogang pour la digestion pendant qu'un petit orage typique de montagne grondait. Après, la piste est devenue un bobsleigh mais c’était tout aussi drôle. Beaucoup de glissades et quelques carambolages par la suite. Une bien bonne journée comme on les aime.


Yannis à l'attaque sur sa piste-maison.

J'ai effectivement eu le privilège de goutter à ta piste et je confirme que c'est une tuerie. Peux-tu nous en dire plus sur ce projet ?

J'ai toujours aimé tracer des pistes, depuis tout jeune. Déjà à l'époque, avec notre groupe de potes de St Dalmas, on créait des petites pistes, et avant l'accident, j'en avais déjà tracé une belle à côté de chez moi. Avec mon pote Auré (Barbe), on a eu cette envie de shaper une belle piste comme on l'imaginait et nous voilà partis ! Il nous a bien fallu une saison complète pour la tracer, ça prend un temps fou pour faire un truc sympa. Puis encore à l'heure d’aujourd’hui, on trouve toujours des petits trucs à modifier, à améliorer... une piste de vélo n'est jamais finie. J'aime le fait de réussir à créer ce que j'ai dans la tête et pouvoir ensuite rouler dessus, le plaisir est encore meilleur. Puis, c'est génial d'emmener les potes rouler dessus !


Rien de tel qu'envoyer un jump qu'on a construit soi-même, n'est-ce pas Yannis ?!

A part elle, quel est ton spot favori dans nos chères Alpes-Maritimes ?

En choisir un seul serait mentir... Nous avons tellement de quoi faire dans la région ! Il y a la DH de Mandelieu où j'ai roulé un nombre incalculable de fois, ou la DH de Blausasc, mais aujourd'hui je dirais le tour en enduro pour monter au lac de Rabuons, en partant de chez moi, monter le début de la route de la Bonette puis bifurquer sur la piste de l'eau, enchainer ensuite avec un beau portage qui te fait bien mal pour rejoindre cet impressionnant sentier de l'Energie taillé dans la roche qui surplombe toute la vallée. La vue de la haut est juste ouf, c'est la belle récompense de la montée ! Et t'en profites un bon moment, tu roules là, à plat entre petits tunnels, quelques lacs, quelques passages qui donnent le vertige et tu arrives enfin à Rabuons, avec le Ténibre qui te regarde de la haut, c'est juste magique ! Tu manges un petit truc et tu attaques la descente qui est encore plus belle que le reste, le début dans la bonne caillaisse de montagne, ça roule à bloc, la folie, puis tu rentres dans cette forêt tapissée d'aiguilles de mélèzes où t'es tout en glisse dans les épingles et tu finis par une belle voie romaine entourée de bouleaux. 


Yannis a grandi et vit en montagne, et plus que tout il aime les arpenter à VTT.

Il y a quelques semaines, tu évoluais dans un tout autre décor, à l'autre bout du monde : au Chili. Raconte !

C’était vraiment une expérience inoubliable !! En fait, tout a commencé quand Kilian Bron à lancé un jeu-concours sur instagram en partenariat avec Skoda. Il fallait poster une vidéo de ride sur son profil, je me suis dit « pourquoi pas essayer, qui n'ose rien n'a rien comme on dit ! » J'ai réussi à faire partie des 3 finalistes que Kilian et Skoda avaient choisis. On s'est tous les 4 rejoints en Italie, à Finale ligure pour un week-end de ride, c’était d'ailleurs vraiment cool, on a passé de très bons moments, et Kilian a choisi le gagnant à l'issue. Et me voilà, quelques semaines plus tard, parti pour un trip au Chili ou plutôt pour la « Mission Skoda » car oui, c’était une belle mission ahahah ! Départ de Paris pour 14 longues heures d'avion jusqu'à Santiago puis 8h de voiture pour rejoindre Pucon où nous avons gravité autour pendant presque 3 semaines. Sacré voyage mais ça en valait la peine ! Le coin est vraiment cool, les gens sont sympas, on s'y sent vraiment bien, puis la nature qui nous entoure est splendide, tellement différente du Mercantour ! On a ridé dans des endroits de dingue entre ces petits singles au milieu des forêts d'araucarias (magnifiques arbres ancestraux typiques de là-bas qui donnent une certaine ambiance), ces lignes freeride sur les volcans, dans ces immenses glaciers, sur le lit d'une rivière qui était anciennement une coulée de lave... c'était fou ! Chaque jour était top, mais je dirais que la journée qui m'a vraiment marqué est l'ascension de cet immense glacier dans un ancien cratère de volcan. Départ de la rando au fin fond d'une piste 4x4, au milieu de nul part, ça attaquait direct dans le raide pour se mettre dans le bain, avec nos vélos et chacun un sac de 25 kg. Dés les premières minutes, tu tombes sur une énorme cascade féérique puis tu continues la montée au milieu de ces magnifiques araucarias pour sortir sur une crête en terre volcanique avec une vue de ouf sur toute la vallée. On à passé la nuit là, à l'abris, sous un bel araucaria après avoir fait quelques images au coucher du soleil. Lendemain, levé à 4h, de bonne heure et de bonne humeur, pour continuer notre ascension. On arrive au sommet pour le lever de soleil ; Kilian ne m'avait rien dit pour l'effet de surprise et ce fût une réussite : l'arrivée au lever du soleil avec la découverte de cet immense glacier était exceptionnelle, j'ai rarement vu quelque chose d'aussi beau... Quelques images au sommet puis on attaque la descente avec une belle ligne freeride dans la roche volcanique, trop bon !! Puis la suite du single en sous-bois était tout aussi bon. Nous avons fait des images tout au long du trip et elles parlent d'elles-même, alors si ce n'est pas encore fait, fonce vite voir la vidéo car elle en vaut vraiment la peine, Pierre Henni)et Kilian nous ont sorti un truc bijou ! Encore un grand merci à Kilian, toute l'équipe Skoda ainsi qu'a Pierre de m'avoir donné la chance de vivre cette extraordinaire aventure ! J'en reviens avec des étoiles plein les yeux et une folle envie de voyager avec le bike à nouveau ! Chose faite car je suis en ce moment au Canada, un rêve qui se réalise !

Sollipulli sommet
Yannis et Kilian sur le volcan chilien de Sollipulli (Photo © Pierre Henni)
Vidéo : Yannis Pelé en mission au Chili avec Kilian Bron

Visiblement, tu te régales en ce moment sur le bike. Et pourtant, tu as bien failli ne plus jamais remonter sur un vélo...

Ah oui tu l'as dit ! Je me régale plus que jamais ! C’était le 2 juillet 2016, je rentrais tout juste de la coupe du monde de Léogang et pour l'ouverture de la coupe de France à Serre-Chevalier, je fais une mauvaise chute et me fracture 2 vertèbres, 4 côtes, ma moelle épinière est touchée. Je suis rapidement héliporté au CHU de Grenoble où je suis opéré d'urgence. A mon réveil, on m'annonce que je ne remarcherai jamais. C’était pour moi impossible d'y croire, et j’étais certain que je remarcherai et remonterai sur mon vélo un jour ! Grâce à Guillaume Nery et Fabien Barel qui me l'ont conseillé, j'ai très vite commencé à faire des visualisations plusieurs fois par jour, c'est un travail mental très profond qui consiste à se visualiser en train de tout récupérer, faire du vélo, du ski, de la marche, en essayant de ressentir les mêmes sensations qu'auparavant pour que le corps n'oublie pas. Essayer de visualiser son cerveau qui envoie toute la force et l'énergie possible à travers la moelle épinière et dans le reste du corps pour que toutes les informations se remettent à passer. Le mental à vraiment une force incroyable, j'en suis certain.


Vidéo : Yannis Pelé - Se relever

C’en est suivi de longs mois de rééducation, et aujourd’hui encore tu consacres une grosse partie de ton temps et de ton énergie à cela. Comment cela se passe-t-il ? 

En effet, je suis resté presque 2 semaines à Grenoble en soins intensifs pour ensuite être transféré à l’hôpital René Sabran sur la presqu'île de Giens où j'y suis resté 6 mois. C'est un centre de rééducation spécialisé pour les cas neurologiques. Avec une petite plage privée, le chant des cigales l'été, il y a comme un air de vacances là-bas, et ça aide pour le moral de ne pas être en pleine ville. J'ai très vite progressé, c’était impressionnant, on voyait la progression de jour en jour. J'ai eu la chance d’être énormément soutenu, autant par ma famille qui est restée à mes côtés tout le long du séjour à l’hôpital, que par mes amis qui venaient me voir tous les jours, ça m'a vraiment aidé ! Ma famille me concoctait tous les jours de bons repas bio et équilibrés pour aider mon corps à se régénérer de la meilleure des manières. Je me suis remis pour la première fois debout entre les barres parallèles 3 mois après l'accident, c’était le plus beau jour de ma vie ! Je me souviens, ce jour-là, la famille Nery était venue nous rendre visite... Ils avaient bien choisi leur jour ahaha ! Et 3 mois plus tard je marchais avec des béquilles. Je suis ensuite rentré à la maison pour passer Noël et retrouver tous les copains de chez moi. Puis, début janvier 2017, j'ai commencé mon séjour au CERS (Centre Européen de Rééducation pour les Sportifs ) à St Raphael ; j'y suis resté 6 mois. Seul cette fois et complètement autonome. J'ai décidé de reprendre les études pour la rentrée de septembre 2017 à Thônes en Haute-Savoie. Mais je n’arrivais pas à allier études et rééduc alors j'ai arrêté mon BTS pour me consacrer pleinement à la rééduc. Je suis rentré à St Dalmas, me suis créé une petite salle de sport à la maison pour avoir une autonomie complète dans mes séances. Depuis décembre 2017, je suis suivi par Melvin Pons qui me fait le programme pour la semaine et Loic Gambardella (BE Athletik) que je vois régulièrement. Cette organisation me correspond très bien et le travail paie car ça progresse encore à fond à l'heure d’aujourd’hui. Je ne sais pas vraiment où je trouve toute cette force... Je suis toujours resté très positif, je veux tout récupérer à 100% et je m'en donne les moyens. J'ai cette nature de ne jamais rien lâcher et quand j'ai une idée en tête, il est difficile de me l'enlever. Je récupèrerai à 100%, j'en suis certain !


Yannis passe environ 2h par jour dans sa salle de muscu pour retrouver toutes ses capacités. Un boulot de titan qui porte ses fruits !

Quelle émotion cela te fait-il de pouvoir de nouveau rouler ? 

Je suis le plus heureux du monde !!! Je peux de nouveau rouler, mais pas seulement : je grimpe, je fais de belles randos et je me régale aussi l'hiver sur les skis. La vie est tellement belle, j'essaie de vivre chaque moment à fond !


Yannis a connu des jours noirs ; aujourd'hui, il savoure chaque plaisir de la vie et chaque seconde de ride !

Avant cet accident, tu faisais essentiellement du vélo pour la compétition. Y penses-tu encore ou cet accident a-t-il changé ton approche du vélo ?

Aujourd'hui, je roule avec le même plaisir qu'avant ; c'est juste ma vision du vélo qui a changé : j'aime passer du temps dans la nature, découvrir de nouveaux endroits, passer de bons moments avec les copains et j'aimerais réussir à emmener mon vélo aux quatre coins du monde, c'est un rêve. Le chrono me plait toujours et j'ai quand même dans un coin de ma tête l'envie de refaire quelques courses d'enduro, à voir...


Une dernière image sur la belle draille de Yannis.

Et tes projets pour la suite ?

Mon objectif numéro 1 est de courir à nouveau et on est sur la bonne voie ! Chaque séance avec Melvin est une nouvelle réussite et un nouveau pas vers la course à pied. Cela fait maintenant 3 ans que j'ai décidé de consacrer tout mon temps à ma récupération et je veux pas m’arrêter en si bon chemin, mais j'aimerais pour l'année prochaine partager mon temps entre la préparation au diplôme de pisteur secouriste pour l'hiver et du BE VTT pour l'été. Mes parents tiennent des Chambres et Table d’Hôtes à St Dalmas le Selvage, alors je pourrais emmener les clients en balade autour de chez moi.


Dans les ruelles de Saint-Dalmas, son village.

Merci Yannis pour la leçon de vie, Régale-toi bien !

Rendez-vous le mois prochain pour 10 questions à une autre figure du VTT azuréen...

4 Comments

  • Yannis est un exemple incroyable de courage et de détermination. il est passé à 2 doigts de la correctionnelle, le sait mieux que personne et savoure chaque instant comme si c’était le dernier.
    Son grand sourire illumine sa vie et la notre.

  • Une véritable aventure humaine, une belle histoire et une détermination sans paraître… Un champion dans la tête et dans le cœur. Bravo Yannis !

  • super Yannis,,,videos,interview,,,,énergie de vivre,,,,la competition,c’est avec soit même qu’on la fait ,comme j’aimerais que mes enfants aient cette energie…continue comme ça ,,,mais fais gaffe à toi,,au plaisir de te revoir,,,et peu être de grimper ensemble à st dalmas???

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